Être seul, se sentir seul, vivre seul

Peu le comprennent vraiment car il ne s’agit pas ici d’être seul quelques heures ou quelques jours, ni quelques mois.

Je parle de la solitude au quotidien et dans la durée. Pour certains il s’agit d’années et pour d’autres d’une vie.

Je ne parle pas non plus des personnes qui se disent autonomes et indépendantes. Cela ne veut pas dire ne pas aimer ni savoir être et vivre seul. Cela veut dire en avoir marre d’être seul et avoir simplement envie d’une vie différente et à 2.

Pour ceux et celles qui l’expérimentent exprimer son usure, son ras le bol, sa fatigue vis-à vis d’elle est légitime et parfois mal accueilli par ceux qui ne la pratiquent pas d’où le manque de reconnaissance. D’où l’intérêt de le faire seul par soi-même. Allez encore un truc à faire seul vous me direz. Oui je pense que s’accueillir dans cette difficulté c’est important pour tenir la distance. Ce n’est pas se plaindre ni râler, c’est savoir exprimer cette difficulté de l’impact du temps de cette vie de solitaire sur soi.

La solitude à la longue, comme toute chose dans la vie, c’est parfois usant et cela interroge.

Ne parler à personne, personne pour vous parler, se confier à personne, se coucher et se lever seul, affronter sa vie et ses épreuves seul, personne pour vous demander comment s’est passé votre journée, comment vous allez, vous vous sentez, personne qui vous regarde vraiment et voit votre vraie vie, votre quotidien et tout de vous. Personne pour vous sourire, vous embrasser, vous caresser, avec qui s’étreindre, s’aimer, se mettre à nu, se soutenir, se tenir la main, être vraiment présent sans rien faire. Juste là avec vous dans ce quotidien, celui de tous les jours.

Personne avec qui rire et blaguer, personne avec qui papoter et partager ses états d’âme, ses vérités sans filtres. Personne à qui se confier et tout raconter. Aucun confident. Le manque d’être soi avec toi malgré d’être arrivé à être soi avec soi. Envie de la suite, de la continuité.

Manger seul, s’occuper seul, cuisiner seul, faire des projets seul, regarder un film seul, aller au ciné seul, aller voir des amis seul, se balader seul, passer ses vacances seul, passer des we entiers seul, assumer sa vie seul et tout gérer seul. Des jours, des mois, des années.

Le manque d’être soi avec toi malgré d’être arrivé à être soi avec soi. Envie de la suite, de la continuité. Passer à autre chose. Allez plus loin à 2.

Alors bien sûr qu’il y’a des moments merveilleux, chouettes, sympas et que sa vie peut être très agréable. Bien-sûr que l’on peut être heureux seul et apprécier sa propre compagnie, faire sa vie et l’absence de l’autre n’empêche en rien cela. De toute façon quand on doit faire avec, on apprend (ou pas ) à vivre avec soi et quand on y prend goût on comprend que l’on ne pourra plus jamais se passer de soi-même. C’est un chemin qui peut s’avérer long mais qui change totalement notre rapport à soi et donc notre relation à l’autre.

Je parle ici de l’épreuve de la solitude dans la durée, celle qui dure que nous soyons dépendants ou indépendants ou les 2 cumulés. Ça en fait du temps et je n’arrive même pas à trouver le mot qui peut définir cette épreuve quand j’y pense. 

On s’y habitue bien sûr et en même temps on ne s’y habitue pas. C’est peut être pour cela que je ne peux nommer cette difficulté. C’est un paradoxe. 

Vient ce temps où envie de passer à autre chose, d’apporter de l’équilibre afin de ne plus être que et uniquement dans la solitude. Le manque de présence et de partage se manifeste car un déséquilibre se fait ressentir.

Certains s’y habituent tellement qu’ils arrivent à avoir peur de ne plus pouvoir vivre avec quelqu’un un jour. Du coup ils se posent d’autres questions. C’est eux qui ont changé et il est important de faire une mise à jour sur le type de relation à venir qu’ils aimeraient vivre maintenant qu’ils savent vivre seul. Je pense surtout que l’on ne veut plus se perdre, s’oublier et garder l’équilibre entre la solitude et le partage. Du temps seul et du temps à 2.

Je pense que la tranquillité de la solitude peut peser quand il n’y a qu’elle dans sa vie mais en même temps il faut avouer qu’elle nous déleste des contraintes de la vie à 2. La solitude a ses avantages et ses inconvénients.

Des amis, la famille, quelques sorties, une vie sociale, des collègues ne remplacent pas cette solitude dans le quotidien et dans la durée. Peu comprennent ce qu’implique cette solitude là. Même si ils disent comprendre et bien-entendu faire acte de présence, ou essayer de nous rassurer ils ne savent pas vraiment de quoi ils parlent et sont souvent à côté de la plaque sauf ceux qui l’ont expérimenté dans la durée ou qui la vivent encore.

C’est aussi pour cela que c’est un sujet peu évoqué ou peu compris. Et on ne peut pas leur en vouloir. C’est juste que nous  avons des vies différentes. 

La recherche d’équilibre entre du temps seul et à deux est une aspiration.

Parfois les autres rêvent de notre solitude car vue comme une liberté pour eux. C’est pas faux mais ils ne se rendent pas compte que ce besoin reste une nécessité ponctuelle, une bouffe d’air dont chaque être a besoin quand il n’est jamais ou pas souvent seul ou qu’il se manque à lui-même.

Parfois nous rêvons de leur vie, pour y goûter un instant et savourer ce qui peut tant nous manquer.

La pire solitude est finalement celle que certains ressentent malgré qu’ils ne soient pas seuls au quotidien. En apparence entourés, jamais seuls, ils sont pourtant transparents, inconsidérés comme si ils n’existaient pas ou plus.

Celle-là est la plus violente selon moi à vivre et parfois par peur de la solitude, beaucoup acceptent celle-ci se disant qu’elle sera moins pire. Pourtant c’est pire. Certains la vivent ou en reviennent.

Alors quitte à se sentir seul autant être seul c’est une confusion de croire l’inverse.

Avec toute ma compassion pour ceux et celles qui la vivent sous toutes ses formes.

Adeline Ferlin

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