Envie de rien

Pas simple cette sensation qui parfois nous traverse ponctuellement, plus ou moins longtemps.

Compliqué d’accueillir et d’accepter cet état de rien. Tourner en rond, chercher à avoir envie, mais rien ne vient. Plus rien ne nous inspire ni ne nous motive et nous avons beau chercher à chasser cet état, rien n’y fait.
Dérangeant et déprimant. Cela ne nous ressemble pas.
D’où la complexité de le vivre.

Souvent mal vécue, perçue comme anormale, elle peut pour beaucoup être profondément culpabilisante et révéler des réactions/raisonnements plus ou moins contrariants et déstabilisant.

Ces phases font néanmoins partie du chemin de progression quand nous sommes dans l’effort.
Pourtant, quand le ratio entre efforts/résultats est quasiment nul ou faible, il est normal d’être découragé et déçu. C’est comme faire germer 100 graines de tomates, arriver à obtenir 10 semis et sur ces 10 semis 1 seul pied va produire des tomates et encore, on ne sait pas combien.

Dans ces moments-là, la sensation est que tout ce qui a été entrepris, fait, investit, engagé, mis en place, parfois sur des semaines, des mois voir des années n’a servi à rien. Comment ne pas être démotivé et ne plus avoir envie de rien face au constat de tous les efforts fournis ?

Comment ne pas avoir envie de baisser les bras et d’abandonner ? Il est donc normal de s’interroger et ne pas voir d’issue quand le résultat espéré n’est pas là.

Il est logique de ressentir un écœurement voir une forme d’injustice : « Tout ça pour ça ? Laisse tomber ».

Bref, on a plus envie du tout de faire d’efforts, mais alors plus du tout. On va dire que ce n’est pas le moment. La seule chose dont nous avons besoin, c’est d’être accueilli dans ce moment de désolation et de lassitude.

C’est particulièrement éreintant de tenir la route et surtout la distance d’un parcours (cycle de croissance) que nous ne maîtrisons pas. C’est ce que l’on appelle avoir de l’endurance.
N’en voyant pas le bout, normal de douter, de tout remettre en question, d’avoir envie de tout envoyer balader… De ressentir parfois de l’échec et se demander ce que l’on n’a pas compris, si on s’est trompé ou ce que l’on peut faire de plus, ou comment ?

Ce que je trouve déroutant, c’est cette certitude d’avoir tout fait, tout donner, tout investit, d’y avoir consacré toute son énergie, son temps pour finalement pas grand-chose. C’est une frustration beaucoup plus profonde qu’on ne le croit. Cela accentue le phénomène de déception.

Le marathonien craque dans son périple. Il choisit l’épreuve de la durée et non celle de la rapidité.
Par expérience, je peux juste vous dire que c’est normal et sain d’oser vivre ces instants autant de fois que nécessaire en fonction de la longueur/durée du marathon. Le truc, c’est que l’on ne sait pas d’avance le nombre de km du marathon, nous le découvrons en le foulant et quand on ne voit jamais la ligne d’arrivée puisqu’on ne la connaît pas non plus, il est normal d’avoir envie de tout arrêter. Il y a des paliers à passer.

Tenir la distance sans connaître par avance la distance est sacrément costaud.

Le réaliser permet à mon sens d’accepter ces étapes de “crise de l’effort”.

La persévérance est une force qui permet d’avancer contre vents et marées, même dans les moments de rien, de doute et de ras-le-bol.
Cette épreuve fait partie du lot des âmes que je qualifie de « semeuses » qui sont souvent des âmes toutes autant frustrées. Le temps de la récolte n’étant pas encore venue, il me paraît donc normal de faire des “crises” de ras-le-bol d’efforts pour ce “pas-grand-chose”. Le résultat se fera sur la durée sans savoir laquelle ce qui rend la tâche encore plus dure. C’est cette difficulté qui demande à être acceptée, accueillie et évacuée. Elle permettra de mieux repartir et de se remettre au travail une fois passée.

Autant les âmes semeuses connaissant bien la frustration, autant faut-il leur reconnaître leur ténacité. Téméraires, volontaires, déterminées, travailleuses, persévérantes, elles savent très bien au fond d’elles-mêmes que cela ne sert jamais à rien. Elles ne connaissent que trop bien le goût de l’effort et ce que cela permet et ne renoncent pas si facilement. Elles savent que sans efforts rien ne pousse non plus, rien ne se passe, rien ne change.

C’est une des difficultés majeures de sa mission qui en soit est tout autant sa force en osant y poser un autre regard.

Adeline Ferlin

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