J’ai si peur

J’ai si peur de déranger, d’être seul, de prendre trop de place, de me faire remarquer, d’attirer l’attention, de demander de l’aide, de me sentir redevable, de prendre du temps, de me tromper, de blesser, de me faire avoir, de faire des histoires, de m’attacher, de souffrir, de dire des bêtises, d’être source de conflits, d’être exigeant, de la violence, de ne pas être à la hauteur, de décevoir, du jugement, de dire non, de donner, d’être égoïste, de l’échec, de mettre les autres en colère, de dire la vérité et ce que je pense, d’être naturel,  de rien comprendre, de pas être assez cela ou trop cela, d’être maladroit, de bafouiller, de ne pas satisfaire l’autre, d’être ridicule, de montrer mon vrai visage, d’être prétentieux, d’être trop gentil, de ne pas savoir me défendre, de trop parler, d’être ennuyeux, de m’ennuyer, du rejet, qu’on croit de moi des choses fausses, d’être inutile,  utilisé, privé de ma liberté, de mon libre arbitre, de perdre la main, le contrôle, de ne pas avoir de place dans ce monde.

J’ai si peur qu’on puisse croire des choses fausses sur moi. Cette injustice là me fait tellement mal. J’ai si peur de le revivre. Je l’ai tellement vécu, je me souviens de la trace sur moi et de l’impact sur moi, telles des balles, des flèches qui atteignent mon être, mon intégrité, mon âme.

Quand je parle de peur ici elle évoque ce que je crains, ce que je n’ai pas envie de vivre ou revivre.

Revenir dans ce monde m’effraye et m’insécurise car je sais qu’il est truffé de dangers de toutes sortes. Je sais bien qu’il n’y a pas que des dangers mais c’est plus fort que moi j’ai quand même peur de ne pas les reconnaître puisque cela est déjà arrivé, cela peut arriver encore. Et si je ne l’ai pas vu la première fois, comment être sûr que je le verrais quand cela se reproduira?

Alors naturellement mon premier réflexe est de bloquer l’origine de ce qui a provoqué la blessure, la plaie.

Je ne pourrais pas en avoir peur si je ne l’avais pas déjà vécu, connu. Je me rappelle de la sensation, du goût, de la saveur, de l’emprunte, de la douleur, de la déchirure, de la torture, de l’enfer que je ne veux jamais le revivre. Jamais plus. Cela ne s’invente pas. Je ne suis pas fou. C’est pas une projection de mon mental ni une invention. C’est là en moi. Au plus profond.

Je dois m’en souvenir, m’en rappeler pour ne pas oublier et rester vigilant. Je dois voir mes peurs comme de la connaissance et me fier à mon instinct pour re-connaître le danger qui est à l’origine de ce qui m’a tant fait mal pour justement l’éviter. La mémoire a du bon. J’en ai besoin et elle est à mon service. Non l’inverse.

Aimer ne me fais pas peur, ce qui me hante c’est les risques que je prends en ouvrant mon coeur. Peur qu’on me trahisse, qu’on me quitte sans me prévenir, qu’on me laisse là sans nouvelles, qu’on joue de moi, de mes sentiments et de mes aspirations, peur d’ouvrir ce coeur et qu’on le pénètre, le viol et le blesse sans le respecter, sans en prendre soin, peur de l’abus et d’un départ sans raison et sans comprendre pourquoi, peur du manque, d’une absence, d’être abandonné…tant de vécu en moi. Tant de vies, d’expériences, d’époques et d’histoires qui font de moi une Histoire.

Peur de faire confiance, de croire en la sincérité des autres, d’oser essayer à nouveau d’y croire . Peur d’imaginer le pire et que tout s’arrête et s’assombrisse quand le ciel est bleu. Peur de mourir, de ne pas être secourue, soutenue, compris, accueilli, respecté et reconnu pour ce que je suis.

Peur du noir parce que dans le noir je ne vois pas ce qui se passe, peur de chavirer et de me perdre dans l’océan, peur de rester seul et que ce en quoi je crois n’existe pas, peur d’être condamné à tord, d’être humilié, abattue en plein vol, de parler, de rire, d’être heureux, de sortir, de la maladie, de la misère, du froid, de la guerre, du sang, des orages, des tempêtes, de la perte, du deuil, de l’hypocrisie, du mensonge, de la confusion, de la foule, du silence, du vide.

Parfois j’ai si peur que cela me paralyse, me fige, me bloque. Je suis si tétanisé que j’ai l’impression que je ne vais jamais y arriver, m’en sortir. J’ai honte je trouve cela ridicule car rien dans ce moment là n’explique ce qui m’angoisse autant. Pourtant cette sensation de danger me traverse et me met à l’arrêt. Je revis pleinement le danger et me met en alerte.

J’ai tellement vécu et parcours ce monde. Mon épopée est si grande, longue et parsemées d’épreuves, de dangers, de situations qui étaient inconnues jusque là. Je ne pouvais ni les voir, ni les reconnaître. Je ne les connaissais pas encore. Je ne pouvais pas les éviter. Je devais les vivre pour un jour les reconnaître et alors les éviter. Je ne peux pas m’en vouloir de ne pas avoir su à ce moment là. Maintenant je sais. Je peux maintenant essayer d’apprendre à me protéger autrement « .

Je voulais vous dire que vivre un danger permet de le reconnaître afin d’éviter de le revivre. La peur est une expérience « terrain » qui demande à être reconnue comme une conscience permettant de developper de la vigilance.

Adeline Ferlin, guide spirituel, auteure.
Tout droit réservé ©Adeline Ferlin – Novembre 2021

 

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