L’un ou l’autre? L’un et l’autre?
C’est fou ce que l’on peut faire par amour et c’est fou ce que l’amour peut nous faire faire et vivre, de la profondeur où il nous amène, dans ces contrées menant parfois jusqu’au feu ardent. C’est tellement bon d’aimer. Tellement inexplicable.
Si fort, envahissant et enivrant. C’est hyper addictif l’amour et c’est tant mieux. C’est avec lui qui l’on ose parfois tout faire. Avec lui, on a peur de rien, on ferme les yeux et on a envie de tout vivre, tout ressentir, tout explorer. On se sent les ailes pousser. On plane et on fonce sur le soleil. C’est tellement bon qu’on en veut encore, toujours plus, toujours plus loin jusqu’à parfois franchir la limite et le perdre, se perdre, se brûler les ailes. Aller trop loin dans l’amour de l’autre? Non aller trop loin dans l’oubli de soi-même en aimant l’autre.
Quand il disparaît, on se sent complètement perdu sans lui, on ne sait pas si on pourra s’en remettre, s’en relever. On se sent vide de toute substance. Dévitalisé.
Et pourtant, avec lui, on ne regrette jamais rien. On ne regrette jamais d’avoir autant aimé et donné, même de sa personne. L’amour fait faire des folies c’est vrai mais nous font tellement grandir, cheminer, mûrir.
C’est fou ce qu’il permet.
Le plus fou est de nous faire croire aujourd’hui que ce manque d’amour est systématiquement une addiction.
Archi-faux. Le manque d’amour n’est pas qu’une dépendance. Quand on manque d’eau on ne parle parle de dépendance à l’eau.
La folie est celle de totalement s’oublier par amour et en même temps, cela permet de réaliser jusqu’où nous sommes prêts à aller par amour de l’autre.
Car le plus loin que nous puissions aller est son propre oubli, abandon.
On se sent oublié (normal) et la souffrance de son propre manque commence à émerger. Il est normal de ne plus savoir vivre sans l’autre quand on ne vit plus avec soi-même. Et là, c’est la dépendance existentielle.
Ohé j’existe aussi!!!!, Regardes moi, reconnais moi, ne m’oublis pas, considères moi, rassures moi, je veux être précieux et important pour toi, compter, avoir de la valeur, exister à tes yeux. »
Quand le cœur est blessé, déchiré, fendu, vidé, il s’endurcit, s’anesthésie, se coupe, se défend, devient méfiant pensant se protéger de l’amour. En réalité, il se protège de lui-même, car le seul danger n’est pas celui d’aimer, mais sa peur consciente ou encore inconsciente, de sa propre capacité à s’abandonner, s’oublier, s’effacer par amour.
On a peur de soi-même, de ce que l’on est capable de faire par amour. On doute de sa capacité à ne pas replonger et encore faut-il en avoir conscience pour reconsidérer les choses.
Alors on préfère souvent la tranquillité d’un feu presque éteint pour ne plus jamais souffrir à la mesure de ce que l’on a aimé.
Et le manque d’aimer, de ressentir l’amour se fait de plus en plus fortement au fil des années et parfois des vies sans lui.
Non, l’amour n’est pas une addiction, il est vital pour chacun de nous.
Après autant de temps sans aimer tout en s’étant oublié soi-même dans ses relations passées, le manque est global, total. Alors il faut bien compenser. Manque de moi, de l’autre, de nous.
Alors parfois, quand il devient trop grand, on se jette éperdument dans la première fleur débordant de pollen, dans les paquets de gâteaux, dans des relations peut être pour se rassurer que l’on plait, on trouve un moyen pour se substituer à lui… On a trop faim d’amour, on a envie de s’en remplir et de donner tout cet amour que l’on ne distribue plus.
En plus de la dépendance affective, la peur de la solitude devient trop lourde et culpabilisante. C’est plutôt la peur de finir seul et sans vivre ou revivre l’amour. La solitude représente également ce manque, ce vide affectif est l’expression d’une saturation de solitude d’amour. Il est normal de ne plus en pouvoir. Beaucoup la connaissent depuis trop longtemps et ne la supportent plus. Vivre sans ressentir l’amour, coupé de son contact, de sa vibration, privé de lui, si loin de lui…ce n’est pas un mal que de ressentir tout cela. La dépendance et la peur de la solitude sont des conséquences et il est légitime de les ressentir quand on comprend d’où elles viennent.
La dépendance existe quand on demande à l’autre directement de compenser le manque de soi et de confondre ce manque là avec celui de l’autre alors qu’ici le seul manque est celui de soi-même. Il est difficile de faire la part des choses puisque tout nous manque.
Conclusion, la dépendance affective demande de compenser un manque trop grand et trop long de soi.
Le manque affectif exprime un manque trop long et trop grand de ressentir le sentiment d’amour partagé. Aimer aimer et ressentir l’amour de l’autre n’a rien d’une dépendance.
Quand on ne se manque plus on ressent seulement le manque de l’autre, d’aimer et se sentir aimé affectivement parlant. C’est rassurant, car on sait que l’on ira plus vers quelqu’un pour le manque de soi-même, mais juste par envie de l’autre, envie de donner à nouveau tout en veillant de ne plus jamais s’oublier. La seule chose que l’on souhaite également est de ressentir que cet autre vient également par envie vers nous et non pas pour compenser son propre manque de lui-même.
On n’oublie pas l’amour, les êtres que l’on a réellement aimés et nous ont tellement marqués. On réalise là où ils nous ont permis d’aller même si c’est sans eux aujourd’hui. Il est juste de penser à eux dans ces moments-là et de savoir être juste et reconnaissant. On n’oublie plus l’amour pour soi non plus. On n’oublie personne, ni l’autre, ni soi.
Oui, l’amour est parfois une folie, mais quand on y regarde de plus près et avec du recul, le plus fou ne serait-il pas de s’en priver et de passer à côté de ce qu’il nous transmet?
Adeline Ferlin