Prendre en otage les sentiments et jouer sur l’affection que l’on a pour l’autre quand on se sent blessé et contrarié par celui-ci est un réflexe assez courant et tout autant blessant. C’est une façon de communiquer en privant l’autre de tout geste d’affection à son égard cherchant peut-être à ce qu’il comprenne ce qui se passe.
Pourtant, on peut très bien être contrarié, touché et heurté sans le priver d’un coup d’un seul de toute marque d’affection.
On ne dirait pas comme ça, mais c’est un acte tout autant violent.
Étant donné qu’il n’y a aucune communication sauf signifier que « je t’ignore », « je te boude », « tu n’existes plus », « je te méprise », « tu m’es indifférent« , la personne en face ne comprends rien sauf qu’elle a fait quelque chose de mal. Elle va chercher à savoir et peut se voir reprocher de ne pas l’avoir deviné par elle-même, de déjà s’excuser, etc. Elle peut culpabiliser et chercher ce qui se passe sans aucune aide. elle sait juste qu’elle a fauté. Elle peut s’imaginer tout un tas de choses qui parfois n’ont rien à voir.
Et si en plus la personne contrariée est rancunière et ne pardonne pas grand-chose, la tension peut durer un bon moment avec des remarques par-ci par là alimentant le sujet sans évoquer le sujet.
Tout le monde peut se sentir heurté, blessé, vexé et contrarié mais quand on aime quelqu’un, il est possible d’apprendre à le lui signifier sans pour autant cesser de lui dire bonjour, lui demander comment elle va et lui manifester des signes affectifs, d’attention. Ça fait l’effet de « tu n’es plus rien pour moi« .
Apprendre à communiquer et à signifier à autrui ses contrariétés et en quoi elle s’est sentie atteinte, ce qui ne lui a pas plu, ce qui l’a dérangé ou blessé est totalement possible pour éviter ce type de situation. Oser crever un abcès est nécessaire pour éviter qu’il grossisse d’autant plus que quand une contrariété n’est pas exprimée, tous les récepteurs sont faussés. On a tendance à ne voir que ce qui ne va pas et tout de l’autre finit par contrarier. l’autre finit par le ressentir et peut avoir l’impression que la personne contrariée ne la supporte plus.
Priver un être cher et aimé de son affection est comme une punition. « Puisque tu m’as fait ça, je ne te donne plus d’amour. Je ne te considère plus.»
Je ne vois pas le rapport et c’est selon moi une grande confusion qui parasite beaucoup de relation. Cela donne l’impression de mal faire et d’être seulement un être « blessant » qui ne mérite pas d’amour. C’est conditionnel et blessant.
Tout le monde contrarie tout le monde. Faudrait peut-être s’interroger sur soi-même et cesser de croire que nous avons une auréole sur la tête et que nous sommes les seuls à être contrariés. Alors au lieu de balayer devant la porte des autres, peut-être se demander si nous aimerions à notre tour être privé d’affection, de tout contact, de considération, de passer de tout à rien quant c’est nous qui contrarions une tierce personne que nous aimons et à laquelle nous tenons.
Je peux contrarier et me sentir contrariée et mes propos ne sont pas moralistes. Je souhaite sensibiliser sur ce sujet centrale dans les relations humaines et affectives. Ce sont parfois des contrariétés différentes car nous sommes différents avec nos histoires, nos vécus, nos troubles et nos sensibilités. Mais je ne vois pas pourquoi je priverais la personne que j’affectionne de mon amour, de ma considération et de ma présence. Je peux prendre du recul pour mieux comprendre ce qui se passe, accueillir ce qui me contrarie et exprimer le sujet à la personne que j’aime, lui parler de ce qui m’a contrarié. Le plus difficile parfois est de ne pas attendre de reconnaissance de cette contrariété vis à vis de l’autre. Et quand ce sont les 2 qui sont contrariés en même temps attendant mutuellement une reconnaissance, alors une compétition de la contrariété la plus grave peut se mettre en place et c’est souvent désastreux. J’y suis passée et j’en ai appris les limites et les conséquences.J’ai appris à accueillir par moi-même mes contrariétés, les reconnaître pour pouvoir accueillir celles des autres mais j’ai aussi appris que je ne peux pas faire le chemin à leur place si eux ne savent pas le faire pour eux-même comme personne ne peut pas le faire pour moi. Je me suis trompée un tas de fois et j’ai appris à communiquer mes contrariétés. parfois je me trompe encore.
Vous connaissez ce fameux réflexe »je m’en fous »? C’est faire semblant d’être indifférent. C’est exactement cela, on aimerait s’en foutre de l’autre et on fait tout comme. En réalité c’est faux car on y tient et on ne s’en fiche pas du tout. On fait semblant mais la réalité en est tout autrement. Et on prend en otage ses sentiments tout comme les siens à son égard, on s’interdit de l’aimer, de le lui manifester.
Tout cela s’apprend. Parfois, il est vrai que l’on réagit à vif ou trop vite dans une contrariété mais elle arrive comme ça, il est rare de l’anticiper même si parfois la contrariété peut être la conséquence d’une répétition et être la fois de trop, on en a marre, cela ne passe plus. On peut se braquer, se fermer, s’énerver, s’agacer, exploser, c’est un réflexe de protection ou de saturation qui s’exprime en direct. ce qui est fait est fait et l’exercice n’est pas de la refouler mais de l’écouter.
La clé? Observer comment on réagit individuellement quand on est contrarié par quelque chose ou quelqu’un. Le voir comme un signal pour dire « ah je suis contrariée ». Si en cours d’interaction avec autrui, apprendre à lui dire « écoutes je sens que je suis contrariée par quelque chose et que c’est pas le moment de communiquer. je vais m’isoler un peu et aller chercher ce que c’est pour mieux revenir vers toi. »
L’idée n’est pas de ne plus avoir de contrariétés mais d’apprendre à les communiquer autrement qu’en jouant sur le lien affectif.
Je ne pense pas que faire régner un froid glacial, ne plus calculer l’autre, ne plus lui donner aucune importance, le laisser se débrouiller tout seul dans ce silence invitant à chercher et parfois se perdre dans de multiples interprétations soit la meilleur solution. d’interpréter ce changement radical. Pour peu que en plus celui qui est à l’origine de la contrarié se sente contrarié à son tour et fasse de même, je vous laisse imaginer le truc.
Alors bien entendu, tout dépend de la contrariété vécue et du sujet. Parfois, cela est grave et il est nécessaire de s’en échapper et de s’en éloigner en fonction du niveau de dangerosité. Parfois, il est nécessaire de couper tout contact quand nous estimons qu’une personne nous veut et nous fait sciemment du mal. Mais ce n’est pas une question de sentiments ici, c’est pour se protéger et non pas pour lui faire du mal.
Moi, je parle de ces contrariétés du quotidien, des fautes de frappe que nous pouvons tous faire.
Alors ne passons pas à côté de nos petites contrariétés et apprenons à les communiquer sans priver l’être aimé de son amour, cela n’a rien à voir. « Ce n’est pas parce que je suis contrarié que je t’aime moins. »
Adeline Ferlin