Il faut arrêter de faire croire ou de vendre la joie comme finalité à atteindre dans le processus de guérison. Cela porte à confusion et définit les états de tristesse comme anormaux. De plus, cela provoque un sentiment d’échec et de culpabilité.
Quand on travaille sur une blessure profonde, il est nécessaire de plonger en elle et c’est tout sauf joyeux, léger et agréable.
Et au-delà de la guérison, quand celle-ci est atteinte grâce à un acte de transformation et de pratique, il faut tout autant arrêter de croire que la joie sera alors permanente et ne partira plus.
Il y aura des jours et parfois des mois sans joie, cela arrivera encore. Il y aura des jours de pluie, de chagrin, de difficultés tout comme des jours de soleil et de douceur.
C’est une fausse croyance que de mettre cela dans la tête des gens. À part les mettre sur une fausse piste, je ne vois pas pourquoi la pluie disparaîtrait de notre existence.
Il est normal d’exprimer son manque quand elle n’est plus là, d’y réagir et de s’interroger, mais de là à vouloir atteindre un état permanent de joie alors même que dans cette étape de vie précisément le sujet abordé est la blessure, j’estime cela irréaliste et inhumain.
Oui, on peut perdre la joie, mais cela n’a rien de ferme et définitif, c’est passager. Quand ce passage est long, pas mal de personnes peuvent commencer à paniquer et à s’interroger quant à son retour. Il faut comprendre que c’est à l’échelle de ce qui demande à être guéri, transformé. Sur le cas de blessures existentielles, vu que ce sont des transformations longues, le manque profond de joie est légitime. Le temps sans elle semble bien trop long et il est vrai que sur la durée, les moments de doutes quant à son possible retour s’expliquent.
La peur de son non-retour se manifeste clairement. « J’ai si peur de l’avoir perdue et qu’elle ne revienne jamais. Pourquoi m’a t’elle quittée ? Va t’elle revenir ? Je m’inquiète de sa disparition. J’ai peur qu’elle ne revienne pas, jamais, à finir ma vie sans elle. » Cette disparition tourmente et inquiète plus qu’il n’y paraît, car sans elle, la vie n’a pas la même saveur.
Oui, cela est vrai, c’est plus dur de vivre sans la joie de vivre. C’est aussi pour cela que l’on cherche tant à la retrouver, mais pour cela, il est nécessaire d’accepter un processus, des passages de vie sans elle.
Vivre sans elle permet de réaliser son importance, sa place, car effectivement, la joie de vivre change du tout au tout. Mais la joie de vivre ne se contente pas de le désirer, faut-il savoir aller la chercher, la gagner. C’est même la principale motivation pour avancer et se transformer, faire des efforts, tenir la distance, ne pas se lâcher dans ce long processus. La guérison est telle une reconquête de sa joie intérieure, et celle-ci se transforme tout autant, s’installe différemment et plus les guérisons sont profondes plus la joie devient elle-même profonde. La joie de surface devient la joie profonde.
Ne croyez jamais qu’elle disparaît. Elle est là en chacun de nous. Ce n’est pas son moment voilà tout. Ce n’est pas parce qu’elle n’est plus là, qu’elle ne reviendra pas. On ne perd pas la joie, on la transforme, on la gagne.
Les blessures existentielles, assimilées à du plomb, sont – par définition et logiques – lourdes, pénibles, désagréables et très douloureuses. S’y plonger est difficile, courageux et nécessite de faire un plein focus dessus et dans ces moments-là, il est normal de ne pas du tout ressentir la légèreté, donc rien d’anormal dans le processus. Le plomb non transformé est lourd et il est incohérent de demander de la légèreté.
Il est donc normal que la légèreté puisse manquer sur la durée et avoir la sensation de l’avoir totalement perdue. Mais c’est faux, elle reviendra progressivement à la condition de faire le travail nécessaire de transformation. Je répète ce retour sera progressif et la joie différente aussi car plus profonde aussi.
La joie s’installera à la place du plomb.
Alors quand elle vous manque, quand vous avez la nostalgie de la joie, ne pensez pas que vous la perdez, mais dites vous que vous êtes justement en chemin, en travail pour la retrouver, l’ancrer au plus profond de vous. Elle vous guide vers elle et non vers sa perte, c’est tout le contraire. Alors dans ce brouillard, gardez l’espoir de son retour. N’en doutez pas. Ayez foi au processus de vie et tout ce qu’il faut parfois traverser pour la retrouver, elle si chère à nos coeur.
Adeline Ferlin