L’homme à la capuche – Chap.1- L’impensable

L’homme à la capuche – Chap.1- L’impensable

« Sur le bûcher ma peau brûle. J’entends la foule sans la distinguer. Tout est flou, trouble et bruyant.
Je tremble dans un corps paralysé par la peur.
Mes poignets sont noués. Je ne peux plus rien bouger. Seuls mes yeux restent libres de s’échapper sans savoir où aller.
Cherchant à l’horizon, mon regard se fixe sur une ombre accolée à un mur. Une capuche cache son visage.
Qui est-ce ? Seule sa présence m’intrigue. Pourquoi donc se cacher face à ma mort ?
Je ferme les yeux, je sens mon odeur qui change.
Qu’ai-je fait de si mal pour me retrouver là ?

Je sens leur rage, être l’objet de leur malheur et leur délivrance. Il est urgent de cesser d’exister pour les soulager et les sécuriser.
Face à cette foule déchaînée que ma mort surexcite, je réalise que je suis seule.
Damnée, je suis devenue Satan en un instant.
Bien pire que celles du feu, les flammes de la haine sont des pierres saillantes qui me lapident sans relâche.

Seul le feu veut bien de moi. Il m’avale. Il a faim de ma chair. Cela me rassure, car lui seul peut me sauver de cette folie meurtrière.

Tout est allé si vite. Je n’ai rien vu venir. Ma poitrine se déchire si violemment que tout mon être hurle en silence.

Mes paupières ne veulent plus s’ouvrir et pourtant, je donne tout pour voir une dernière fois l’impensable. La capuche est toujours là, au loin. Immobile, elle attend mon supplice tel un accomplissement personnel.

Ma peau disparaît quand il apparaît.
Il se fait bousculer et son visage se découvre.

Non pas lui, tout le monde sauf lui.
Pas l’être aimé.
Non.
Je n’y crois pas.
Je ne veux pas.
Je me trompe forcément.
Ce n’est pas possible.

J’essaye de l’appeler. Aucun son ne sort de ma bouche. Je ne sais pas dans quel état je suis. Piégée, captive, prisonnière du feu, de la foule, de tout mouvement, je suis totalement impuissante. Je ne suis plus rien.
Je voudrais un signe de lui me signifiant que je me trompe. Je voudrais ressentir son amour, ne serait-ce qu’une seconde. Je donnerais tout pour cela.

Rien. Je suis une inconnue sur une terre brûlée et son mépris me glace. Mon cœur se fend en deux. Je ne respire plus. Je suffoque. Je veux disparaître à jamais. Que cela cesse immédiatement.
Peu importe la foule et ce que j’ai fait ou pas fait. Plus rien ne compte maintenant hormis l’impact de sa trahison et de sa lâcheté.
Aveuglée par l’amour et la fumée, cette vérité me bouleverse.

Je ferme les yeux pour ne plus les ouvrir. Je n’entends plus rien. Le silence règne. Des larmes émergent et cheminent sur ce qui reste des courbes de mon visage. Je ne sais plus qui je suis. Ma gorge se noue si fort que je n’arrive plus à respirer.

En un instant, je ne suis plus là.
J’entends un rouge-gorge qui chante dans la brume. Je sens de la mousse humide sous mes pieds. Je suis dans un sous-bois. Je vois ma propre cendre s’évanouir dans la nature. Je m’évapore avec le vent et me dépose dans l’eau vive d’un ruisseau.

Le courant emporte avec lui ce seul souvenir qui ne cessera de me hanter sans encore le savoir.

Un jour, l’homme à la capuche réapparaîtra.
Sa mémoire deviendra mon présent et réveillera ce moment qui a été si précautionneusement endormi. Ce jour venu, je saurais réparer ce qui m’a tant heurté, blessé. Aujourd’hui, je ne le peux.

L’eau éteindra le feu destructeur, mais là, dans l’instant, elle est gronde de colère et le courant est si fort qu’il ravage tout sur son passage. L’eau déborde de partout.
Ce temps-là n’est pas si loin, et même si j’aimerais l’oublier, je m’en souviens si bien que ce ne serait pas juste de m’en acquitter.

Me débattant dans ma propre rage, je suis une rescapée. Je me noie dans mon propre chagrin et dans un instinct de survie, je m’accroche à ce que je peux. Je sens la terre et me retrouve allongée sur une berge. Je reprends difficilement mon souffle. Je respire à nouveau. Je suis à l’orée d’une clairière. Je me retourne sur le dos et fixe le plafond sans fin d’un monde encore inconnu qui me semble pourtant si familier. Un soupir s’échappe. Je tends les mains vers le soleil comme pour le toucher. Je ferme les yeux. Je le vois, toujours là.

Je marche dans les flammes et me dirige vers lui afin de découvrir son véritable visage. Naturellement, ma main droite caresse sa peau que je connais tant. Je le regarde dans les yeux dans lesquels je peux encore voir le reflet de ce bûcher qui crépite et étouffe mes cris.
Dans un élan que je ne peux expliquer, mes lèvres humides et apaisées l’embrassent malgré avoir souhaité un jour m’embraser de ses propres flammes pour que je disparaisse à jamais. »

Adeline Ferlin – Auteur – Recueil de textes « L’homme à la capuche »- Juin 2024

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