Moi, électron libre

 

« Quand je suis revenu(e) ici bas, dès mon plus jeune âge, aussi loin que je me souvienne, je voulais faire ce que je voulais, quand je le voulais et comme je le voulais…surtout comme moi j’en avais envie. Je voulais vivre ma vie comme bon me semble, ne pas m’encombrer ni m’embarrasser. Je voulais explorer le monde, mon environnement et ne faire des efforts que pour ce qui m’intéressait. Le reste bof…Je ne comprenais pas l’autorité, le fait de m’imposer les choses et de ne pas me prévenir. Je me supportais pas que l’on me mette sur le fait accompli et que l’on ne respecte pas mon libre-arbitre. Déjà très jeune. Tout ce qui était interdit attisait ma curiosité. Je me sentais libre et honnête dans tout ce que je faisais. Naturel(le) et spontané(e) je disais la vérité. Je ne me cachais pas. J’étais. Je vivais. En étant ainsi je pouvais aussi bien me faire gronder, punir, fâcher qu’applaudir et encourager. J’étais culotté(e). Courageux(se), je n’avais pas peur de grand chose. Enfin en apparence. J’avais des peurs mais pas les mêmes que les autres. C’était difficile d’en parler. On ne comprendrait pas. Alors je me taisais. Je savais déjà que c’était peine perdue.

Quand on me demandait de dire la vérité on ne me croyait pas tout le temps. Je devais dire ce que l’autre voulait entendre. Pas toujours, cela dépendait des gens. Je trouvais ça compliqué et complètement tordu.
Quand je ne faisais pas comme les autres, on me disait que je n’écoutais rien et que je ne voulais en faire qu’à ma tête. Quand je trouvais cela fade je voulais mettre du piment. En réalité je ne faisais qu’écouter mes envies et mon cœur.
Je me trouvais simple et on me disait que j’étais compliqué(e).
Je trouvais moi-même les autres compliqués.
En réalité je m’aimais déjà et je ne le savais pas. Eux mon plus.

Finalement quoique je fasse cela ne serait jamais assez bien. Alors j’ai essayé de faire comme ils voulaient eux…je me suis aligné(e) à leurs volontés…je me suis forcé(e) à me plier pour survivre en tant qu’enfant. Il me tardait la majorité et de partir pour m’envoler.
J’avais besoin des grands pour manger, dormir, me vêtir, me loger et aller à l’école. Je l’avais compris.
Quand je souffrais de mon manque de liberté je pensais secrètement aux enfants qui n’avaient pas de quoi survivre et je me disais que j’avais de la chance. Ils m’ont donné beaucoup de leur force pour tenir.
Alors j’ai patienté en silence.
Je trouvais le monde compliqué et paradoxal. Je me suis senti(e) presque mourir, m’éteindre. Ne comprenant pas ou plus ce que je devais faire ou ne pas faire, dire ou ne pas dire, penser ou ne pas penser…j’étais parfois perdu(e).

J’aimais être seul(e). Je m’ennuyais avec les autres et jamais avec moi-même car j’avais toujours des millions d’idées et de choses à faire, comme une liste de rêves à réaliser. Avec les autres j’avais l’impression de perdre du temps ou plus exactement ralenti(e) dans mon élan.
Je me détestais de penser ainsi parfois. Je me demandais pour qui je me prenais…et pourquoi j’étais ainsi.
Pourtant je souffrais aussi de la solitude. J’aspirais à connaître des gens qui voyaient le même monde que moi. C’est tout. Cela m’aurait rassuré(e). L’avantage c’est que seul(e) j’allais à mon rythme et pas à celui des autres. M’aligner aux autres m’était étonnamment insupportable. Aux yeux des autres j’étais évidemment égoïste ou toute sorte d’autres choses mais rien ne pouvait m’arrêter. C’était toujours plus fort que moi. Toujours.

Personne ne se souciait vraiment de moi ni de mes pensées profondes. Pendant très longtemps personne ne m’a demandé si j’étais heureux(se) d’ailleurs.

Depuis tout petit(e) sans le savoir j’exprime mon état d’âme, qui est fatiguée de ce monde. Usée mon âme désire juste la paix et goûter à sa liberté.
Pour une fois, je veux que tout soit fluide, facile. Je trouve cela juste. Je le mérite. J’en prends le droit.
J’estime avoir assez donné. Je n’ai plus envie de m’adapter aux autres, cela est vrai.
Juste l’envie d’une vie pour moi.

Quand j’ai réalisé que ce n’était pas encore le bon moment, je crois bien que cela a été la réalité la plus difficile à accepter.

Dis c’est quand que c’est la fin? »

Adeline Ferlin
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